I wanna hold the hand inside you

Lauryn Youden

Vernissage | Opening
Vendredi | Friday 26.09.25, 18:00

Ouvert | Opening hours
27.09–08.11.25, Mardi–samedi | Tuesday–Saturday, 14:00–18:00

Visite commentée | Public guided tour
Mardi | Tuesday 07.10.25, 17:30

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Communiqué de presse FR
Press release EN

Dans « I wanna hold the hand inside you », Lauryn Youden s’intéresse aux créations de mobilier d’Eileen Gray, attirant l’attention sur la sensualité discrète qui se dégage de ces œuvres souvent caractérisées par l’austérité moderniste. En dialoguant avec quatre pièces de Gray, Youden réoriente leur présence, interrompant leurs fonctionnalités conventionnelles et les positionnant plutôt comme des lieux de soin, de désir et d’intimité.

Les meubles d’Eileen Gray, célèbres pour leur précision et leur sobriété, sont présentés par Lauryn Youden comme quelque chose de plus poreux : un autel, un lieu de repos, un réceptacle d’émotions. A travers son approche Crip (*), elle révèle la dimension corporelle déjà présente dans la pratique de Gray, en mettant en avant le corps non pas comme un utilisateur neutre, mais comme une présence désireuse et indisciplinée. Dans cette nouvelle perspective, le modernisme d’Eileen Gray devient une architecture du soin, qui tient compte de l’épuisement, du plaisir, de l’effondrement et de la douleur. Au lieu d’évoquer le caractère froid de l’acier et de l’utilité, Youden met en avant les qualités de fragilité, de persistance et de relationnalité. Ces œuvres ne sont alors pas redessinées, mais réarticulées, rendues perméables et orientées vers l’intimité.

Il en résulte une remise en question de la résistance du modernisme à l’affect, la possibilité que la forme cède le pas au sentiment. Youden positionne cette tension non pas comme une digression anecdotique, mais comme un principe structurant de l’intimité : renoncer au contrôle et reconnaître la vulnérabilité liée à l’occupation de l’espace.

La pratique de Youden oscille souvent entre rituel et guérison, ornement et insistance, mettant en avant la manière dont les corps habitent et transforment l’espace. Dans « I wanna hold the hand inside you », elle met en scène des meubles comme des seuils à quelque chose, ajustant des objets qui enregistrent le toucher, la mémoire et la présence corporelle. Parmi ces pièces, le Daybed est réimaginé comme une balançoire sexuelle accessible, conçue pour inviter à l’effondrement et devenir une célébration sacrée de l’épuisement, reconnaissant les limites et les plaisirs du corps. La Bibendum Chair et la Transat Chair sont repensées comme des emblèmes de la domination fem, leurs formes articulées pour amplifier le pouvoir d’agir, la posture et le pouvoir relationnel. Les tables ajustables emblématiques, disposées en doubles miroirs, suggèrent l’intimité et le dialogue entre les corps, évoquant les relations amoureuses, le deuil et les temporalités partagées. Réfléchies ensemble, ces interventions transforment les objets domestiques en une archive Crip : un espace où l’utilité cède la place au soin, au désir et à l’interaction des corps, et où le mobilier devient à la fois compagnon et témoin de l’intime.

Parallèlement à ces interventions, Youden présente douze pages encadrées tirées de la biographie de Gray écrite par Peter Adam, annotées à la main en rouge. Les extraits mettent en lumière Gray, non seulement en tant qu’architecte et designer pionnière, mais aussi en tant que créatrice queer dont la vie et l’œuvre ont été façonnées par l’intimité, le désir et les relations. Son approche de la création, ses amant·e·x·s, son attention au toucher et sa position d’héritière fortunée sont soulignées à travers ces annotations. Les cadres, vitrés des deux côtés et montés sur leurs bords, débordent dans l’espace de CIRCUIT, permettant ainsi de lire le texte des deux côtés. Dans cette configuration, l’œuvre fonctionne à la fois comme une archive de l’histoire queer et comme une intervention spatiale, produisant un texte qui peut être parcouru, habité et expérimenté corporellement.
Mettre en avant la vie queer de Gray n’est pas anecdotique, mais politique. Cela permet de résister à l’effacement historique qui réduit le design et l’architecture à une forme politiquement neutre. Dans ce contexte, le design est codé, affectif et singulier ; il contient et répond à une expérience incarnée. Un faible écho d’accessibilité résonne à travers ces œuvres, où les sensibilités Crip et queer s’entremêlent. Entre les mains de Youden, l’héritage de Gray n’apparaît pas comme une relique statique du modernisme, mais comme une archive vivante de corps qui cèdent, désirent et façonnent l’espace à leur image.

* « Parfois rendu en français sans traduction, mais aussi par des mots comme « handiqueer » ou « estropiéEs », crip est formé sur l’anglais cripple (« éclopée, infirme ») : un mot-stigmate retourné en cri de ralliement par la part des luttes handies qui remet en cause le paradigme de l’inclusion et voit plutôt dans les vies handiqueers une occasion d’en finir avec la société extractiviste », Emma Bigé, Enka Blanchard, Léna Dormeau, Lucas Fritz, Harriet de Gouge, Ariel Kyrou et Anne Querrien, A. (2024). « Dévalider », dans : Multitudes, 94(1), 55-61, Note 3.

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Lauryn Youden est une artiste interdisciplinaire canadienne qui travaille la sculpture, la performance et l’installation. Sa pratique découle de ses recherches et de son exploration du complexe médico-industriel, des pratiques de guérison « alternatives » et de la médecine traditionnelle pour le traitement de ses maladies chroniques et de ses situations de handicap. En présentant publiquement ses expériences personnelles et en réévaluant l’histoire à travers les prismes Crip, son travail met en lumière et défend des formes de soins radicaux et de connaissances Crip réprimées, marginalisées et oubliées. Son travail a récemment été exposé à Number 1 Main Road, à Berlin ; au CAN Centre d’art Neuchâtel ; au Migros Museum, à Zürich ; au Tanzquartier Wien ; au Pogo Bar—KW Institute for Contemporary Art, à Berlin ; aux Backrooms, à la Kunsthalle Zürich.

Ielle participe actuellement au BPA// Berlin program for artists.

Image
Lauryn Youden, à lire avec les trois cigarettes oubliées (p. 183) (détail : la table de chevet E.1027 à hauteur ajustable), 2025

Soutien
Ville de Lausanne, État de Vaud, Loterie Romande, Fondation Casino Barrière Montreux, Profiducia Conseils SA

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Vernissage le vendredi 26 septembre 2025 à 18h00
Ouverture du 27 septembre au 08 novembre 2025

14:00–18:00